Ils ont été contaminés par des pesticides, du cadmium ou du chloracétal et sont tombés gravement malades alors que leurs dirigeants connaissaient la dangerosité des produits utilisés. Aujourd’hui, Patrick, Sylvie et François ont décidé de porter plainte pour "faute inexcusable".

Travail toxique ?

Travail toxique ? Crédits : D-Keine - Getty

 

 

On n’avait pas de gants, pas de masques, pas de système d’aspiration. On travaillait avec un produit qui était, comme on l’a appris par la suite, très dangereux. Patrick 

La "faute inexcusable" est un terme juridique qui désigne une faute de l’employeur qui a manqué à son devoir d’assurer la sécurité de son employé

On évoque principalement les fautes inexcusables dans le cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, physiques ou psychiques. Les contentieux à ce sujet sont en constante augmentation mais de nombreux salariés continuent de se taire de peur d’être licenciés. 

Patrick, Sylvie et François, eux, ont porté plainte, se sont engagés dans une longue aventure judiciaire et racontent leur combat.

Face à toutes les preuves et les condamnations, l’entreprise tenait le même discours : "Arrêtez, vous allez faire fermer l’entreprise". (...) Clairement, ils attendaient que je décède pour que la procédure s’arrête. Ils sont très cyniques. Ils vivent uniquement pour l’économique. Il n’y a pas d’aspect humain. Jamais personne n’a pris de mes nouvelles quand j’étais malade. Patrick 

Patrick travaille dans une usine de batterie électriques. En 2011, se sentant de plus en plus fatigué, il fait des examens médicaux et découvre qu’il souffre d’un cancer du poumon. On lui donne six mois à vivre. Il vit toujours mais se bat pour faire condamner la société qui a ruiné sa vie. 

 

Sylvie, elle, était ouvrière viticole dans le vignoble d’un château du Médoc. Elle a travaillé pendant treize ans au contact de produits chimiques et nocifs, jusqu’à être intoxiquée.  

Mon état de santé déclinait de jour en jour, je ne supportais plus la lumière, je ne supportais plus le bruit, je ne pouvais plus manger. Sylvie

Mais faire reconnaître la culpabilité et la négligence de ses employeurs s’avère une bataille longue et difficile à mener.

A la suite de ma visite médicale chez le médecin du travail, j’ai demandé à mon chef de travail de me donner la liste des produits auxquels on était exposé : ils avaient oublié la moitié des produits. Sylvie

François travaillait dans une usine de livraison animale où il manipulait des acides aminés, de la vitamine A de synthèse, du chlore et de l’acétane. Dix ans après avoir quitté son poste, on lui détecte un kyste au rein gauche. Il se rend bientôt compte que c’est une maladie extrêmement fréquente dans la région où il travaille, directement liée à la toxicité des produits utilisés dans son usine. 

Dans la région où j’étais, là où j’avais travaillé, il y a avait au niveau de la population masculine douze fois plus de cancers du rein que la moyenne nationale. François

Ma démarche a conduit à ce que la sécurité sociale mais aussi l’entreprise finance les préjudices : ils ont évalué des dommages de l’ordre de cinquante mille euros. François

  • Reportage : Stéphanie Thomas
  • Réalisation : Lise Côme

Chanson de fin : "Dark River" par Maya Kamaty - Album Pandiyé (2019) - Label : VLAD PRODUCTIONS / L’AUTREDISTRIBUTION.